La lutte pour Khimki, des mots d’un militant

L’Ours Russe a montré ses crocs

C’était Juillet, et tout Moscou fut engloutie dans la fumée de son jugement à venir, et les sceaux furent brisés, et les bêtes déchainées. Et les riches et puissants tremblèrent et courirent vers leurs refuges, mais ils ne purent s’échapper.

Ça a commencé en Afghanistan. Il y eut un groupe d’officiers de l’Armée Rouge, qui furent les premiers à sentir le vent du changement et à comprendre les gains à tirer du nouveau système. Généraux et colonels, ils possédaient un pouvoir immense et ne se retinrent pas pour l’utiliser dans la rage de la révolte qui s’éveilla durant les années ‘90. Trafic de drogues, commerce d’armes, protection des hommes d’affaires… ils jouèrent un grand rôle dans la formation du nouvel empire mafieux de la Russie contemporaine. Esltin montra son allégeance au groupe en leur donnant la Terre en toute possession féodale – la région de Moscou. Général Gromov en devint le gouverneur et ses colonels, maires dans toutes ces cités hautement développées autour de la capitale, et même Putin, plus tard, n’osa pas toucher aux affaires de cette fraternité d’hommes du combat. Ils fonctionnent comme le noyau dur de la nouvelle élite Russe, tous ex-gangsters qui ont pris le pouvoir dans les années ‘90 et jouent le rôle de respectueux gentilhommes, maintenant…

Mais on ne peux jamais vraiment être “ex-” en Russie, et leur performance théâtrale s’est avéré être un échec total. Leurs méthodes demeurent les mêmes, et ont gagné en efficacité maintenant, alors qu’ils ont donné des uniformes de police à leurs petits casseurs de jambes. La ville de Khimki devint notoire durant ces événements. Attaques au fusil mitrailleur, explosions de voitures et assassinats d’homme d’affaires se sont mutipliées sur le fief du colonel Strelchenko, le maire. Cependant il est advenu que la plupart des activités administratives et financières de la région tombèrent sous le contrôle de ses proches et camarades de l’armée… surprenante coïncidence.

Une autre coïncidence est arrivée, lorsqu’un journaliste local a publié des informations sur comment les autorités géraient les fonds fédéraux réservés à construire une nouvelle autoroute vers Saint-Pétersbourg. Ça a été une longue histoire, plutôt ordinaire pour ici, avec des millions détournés et les plus hautes autorités impliquées. Deux jours plus tard, ce journaliste eut la tête de son chien mutilée et mise à côté de la porte de son domicile. Éventuellement son auto a explosé. Et finalement des individus non-identifiés l’ont attaqué brutalement. L’image de Mikhail Beketov, pris sur une chaise roulante pour le reste de ses jours, avec doigts et jambes amputées, et incapable de parler, est devenue un symbole de la liberté de presse dans notre pays.

En juillet 2010 Khimki émergeait dans les nouvelles encore une fois: le camp des éco-militants, protestant contre la construction de la même autoroute infâme, était attaqué par un troupeau de néonazis embauchés. ll y avait quelques journalistes parmi les militants écologistes, or les autorités ont préféré avoir recours à des mercenaires plutôt que la police officielle. À 4 heures du matin, une foule d’individus masqués faisant des sieg heil ont attaqué le camp. Certains ont été blessés, d’autres ont battu en retraite, et plus tard la police arriva et arrêta les gens qui restaient, pour leur sécurité.

Ce fut le point d’ébullition; les autorités n’avaient même pas fait l’effort de cacher leur coopération avec les groupes Nazis. La semaine suivante ils eurent leur réplique, alors que le 28 juillet une foule d’anarchistes, de punks et de hipsters se sont attaqués à l’édifice de l’administration de Khimki. La police locale n’a pu contrôler les trois cent jeunes enragés, surtout que certains avaient des pistolets semi-auto (comme le confirme la vidéo) et pouvaient tirer sur la police. Les dommages étaient sommaires, à part pour la destruction sur la façade et dans le hall d’entrée, mais les autorités ont eu le message.

(Voir l’article “De Fukushima à Khimki…” , posté précédemment, pour la vidéo de l’action et autres infos reliées)

La vidéo de l’affrontement a attiré cent mille visualisations sur Youtube durant les premiers jours; c’est devenu viral. Ce vu la première émeute massive à caractère politique des derniers 15 ans. Et elle a aussi été une réussite, aucun des manifestants n’ont été arrêtés, alors que la foule s’est dispersée dans la ville aussi rapidement qu’elle s’est rassemblée pour l’action. Ce fut plutôt un défi pour tout le système gouvernemental Russe, alors que les autorités de Moscou sont soi-disant son noyau le plus dur. Le Premier Ministre Putin a immédiatement commenté dans les médias, que Khimki était tombée victime d’une conspiration internationale, destinée à provoquer le chaos en Russie. Le FSB a pointé une personne, responsible de cet accident, et ce fut un éditeur et journaliste à temps partiel Petr Silaev. Ils découvrirent des informations sur ses voyages récents et ses connections aux États-Unis, et ce fut suffisant pour eux; les traces sans surprise, menaient en Amérique. Petr fila d’entre les doigts des forces spéciales, et réussit à s’évader en Europe à la dernière minute, mais ils arrêtèrent des douzaines de gens, en torturèrent certains, pour la seule fin de leur faire signer les papiers approuvant la théorie du complot des autorités. Deux militants firent 3 mois de détention pour avoir nié ces salades. Petr a récemment été arrêté et emprisonné durant quelques mois en Pologne, et s’est réfugié dans un pays Scandinave où il mène encore sa défense légale.

Les services spéciaux étaient enragés, les arrestations de journalistes libéraux continuent avec une fréquence dérangeante. En même temps, les milieux de gauche Russes ont expérimenté un renouveau; c’était évident, vu que les autorités étaient allées trop loin dans leur orgie criminelle, et à Khimki elles on récolté ce qu’elles méritaient. Et toutes les statistiques et sondages des médias ont montré que 70 à 80 pourcent de la population était sympathique à cette action directe. Les jeunes venaient de ramener à la vie le rêve de la nation entière de tirer vengeance sur les bureaucrates corrompus et leur police toute-puissante.

Les arrêtés sont automatiquement devenus des héros à l’échelle de toute la Russie, et même les gros médias de masse établis ne pouvèrent s’empêcher de parler d’eux. Ça a mené à une série de marches massives dans le centre de Moscou, les banques Européennes à refuser d’investir dans le projet de construction de Khimki, et même Bono de U2 de faire son spectacle “engagé” dans le stade en support aux manifestants et à leur cause.

Mais rien ne pouvait arrêter la puissance oppressive de l’Ours, alors que les arrestations continuèrent dans le mouvement.

Le 15 Novembre il y eut une contre-attaque. La police arrêta les membres les plus influents du groupe d’art engagé “Voina”, inquestionnablement les meilleurs de l’art russe contemporain. Leurs performances socialement critiques ont toujours eu du tranchant, frappant l’Ours dans son terrier. Ils ont performé dans une station de police, chanté en Cour, escaladé la Chambre du gouvernement, copulé à côté d’une exposition d’ours dans le Musée des sciences naturelles et paint, récemment, un énorme pénis sur un pont-levis en face des quartiers généraux du FSB. Et bien-sûr, ils ont activement pris part aux plus flamboyantes performances à Khimki: quand la police s’est retournée contre eux avec vengeance, ils ont retourné la police à l’envers, littéralement. Durant leur dernière performance, trois voitures de police ont été tournées à l’envers, dont une avec un policier encore pris à l’intérieur. Ce fut le symbole fabuleux de la transformation irrationelle, celle qui se produisit dans notre société, quand la police fonctionne ouvertement comme le plus gros syndicat du crime au pays.

Et les machos capitalistes l'auraient très mal pris... va savoir pourquoi!

L’Ours ne pardonne pas ce genre de tours. Oleg Vorotnikov et Leonid Nikolaev, les deux co-fondateurs du Voïna sont toujours en prison, et la communauté artistique de partout dans le monde leur a envoyé des lettres de support.

D’un insurgé communiste de Moscou, avril 2011

Liens:

http://en.free-voina.org/

http://en.free-voina.org/actions

(Quelques performances de la Voïna)

http://khimkibattle.org/

site web pour la libération des arrêtés en connection avec l’affaire de Khimki

http://www.crimethinc.com/blog/2010/10/19/eco-defense-and-repression-in-russia/

(Crimethink, sur les événements de Khimki – photos et vidéos)

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0 Responses to La lutte pour Khimki, des mots d’un militant

  1. anabraxas says:

    Pas plus de nouvelles que toi pour l’instant. si tu peux nous refiler le lien de l’article(s) en Russe ça pourrait aider.

    Faut que ça soit diffusé et publié partout! Quelqu’un m’a parlé de Petr Silaev et c’est un militant très influent dans le réseau antifa russe/est-européen.

    A.

  2. radioperino says:

    Aujourd’hui dans la presse russe on dit que Petr a été arrêté en Belgique. Quelle nouvelle?