En Grèce, le soleil se lève encore

À lumière du soulèvement populaire récent en Grèce contre le capitalisme global et son terrorisme économique, j’ai cru bon de traduire et rendre disponible le récent texte de la Conspiration des Cellules de Feu, “The Sun Still Rises”, présenté ici en trois parties, mais avant…

Introduction à la Conspiration

(tiré de “Our Lives of Burning Vision)

« Dans le chaos de notre propre existence, nous sommes une part de l’impondérable élément qui organise la subversion, les plans mutineries, qui nous laissent nous-mêmes étourdis. La traduction de textes, lettres, communiqués, etc. afin que les camarades des autres pays à travers le monde puissent lire les désirs, les idées et la « projectualité » des camarades de Grèce, est une arme de plus à notre disposition. Ce qui commença comme un simple désir et un challenge nous a amenés à un nouveau terrain d’expériences, de connaissances et de responsabilités. Maintenant que nous sommes là, ils ne se débarrasseront pas facilement de nous.
Nous sommes devenus un autre aspect de la menace asymétrique. La guerre jusqu’à la fin a déjà commencé. … »

Depuis l’introduction par Actforfreedomnow-Boubouras.

Une énorme tempête de révolte a fait rage dans les rues de Grèce en Décembre 2008. Après l’assassinat de sang-froid d’Alexis Grigoropoulos (15 ans) par un flic, les émeutes se déployèrent à travers le pays entier pendant plusieurs semaines. Des centaines de cibles d’entreprises et du gouvernement furent attaquées, pillées et brûlées. Bien que ce soit les anarchistes et les anti-autoritaires qui aient pris la tête de cet ouragan la première semaine après le meurtre, elles se diffusèrent d’elles-mêmes rapidement et un grand nombre de gens s’impliquèrent dans la révolte contre les conditions de vie misérables, contre les autorités et contre le désespoir offert par ce monde aux exploités et aux opprimés. Mais la révolte ne cessa pas à la fin de l’année 2008, pas plus qu’elle ne commença au jour du meurtre. Les attaques contre les structures de l’État et du Capital continuèrent et se répandirent dans plusieurs plus petites villes de Grèce.

Environ 180 attaques incendiaires et, depuis deux mois, à la bombe artisanale (« faites maison ») ont été réalisées sous le nom de « Conspiration des Cellules de Feu ». Les attaques furent dirigées contre des banques, des concessionnaires automobiles, des centres commerciaux, des institutions gouvernementales, des postes de police, des bureaux de partis politiques, des maisons de politiciens, des juges, des criminologistes, des journalistes, des entreprises de sécurité privées et des compagnies de construction de prisons,… et toujours accompagnées par des revendications élégamment critiques et nihilistes de la responsabilité des anarchistes.

Les revendications ne critiquèrent pas seulement le Capital, l’État et l’Autorité (dans tous leurs aspects), mais aussi la résignation des exploités, leur mentalité de troupeau, leur collaboration avec le système. La Conspiration des Cellules de Feu (CCF) refuse de considérer l’oppression et l’exploitation comme étant simplement imposées par les matraques et le chantage, mais les comprend comme une relation sociale dans laquelle tous ont leur responsabilité -et font ou ne font pas le choix de lutter contre.

En septembre 2009, de vastes raids anti-terroristes tentèrent de frapper la CCF; ces raids devinrent un outil politique de plus pour attaquer plus largement le mouvement anarchiste et anti-autoritaire, une situation qui s’intensifia quand deux membres des CCF furent capturés durant une opération en Novembre 2010 à Athènes. Contre le kidnapping légaliste en cours de nos camarades et pour l’escalade de la lutte pour la libération totale, la Conspiration des Cellules de Feu: Secteur Illégal appela à un projet informel et global basé sur la subversion anarchiste, l’action directe et la solidarité internationale. Ces documents rassemblent quelques uns des nombreux communiqués, lettres et mises à jour juridiques et judiciaires concernant la Conspiration des Cellules de Feu, les camarades accusés de la même affaire, plus des actions de solidarité résultant de l’appel pour la formation d’une Fédération Anarchiste Informelle/ Front Révolutionnaire Anarchiste.

Bien que cette publication puisse bien sûr seulement offrir une vision partielle de la situation et des sujets, elle est produite dans l’esprit de rébellion qui attise la guerre totale contre la domination. C’est un document inachevé qui recherche une collaboration à travers les actes de refus. L’appel international qui a été diffusé pour la formation subversive d’un Front Révolutionnaire/Fédération Informelle Anarchiste (Globale), qui est basée sur les principes de solidarité internationale, de subversion permanente et de conflit constant, devrait être discuté, débattu et mis en œuvre sans délai.

Le Soleil se lève encore

1. Au commencement

L’organisation de la Conspiration des Cellules de Feu n’a pas commencé ces activités de nulle part. Ce n’est pas comme si une ligne droite s’était dessinée à travers le temps et l’espace. Ce fut un futur cri retensissant du passé. La Conspiration a donné lieu à une synthèse collective, connectant les perspectives de tous ceux et celles qui y ont participé et dressant des conclusions valables des expériences de projets subversifs et d’attaques auxquelles nous avons pris part. Ça a représenté notre désir d’aller plus loin, non pas de monter dans une échelle de hiérarchie informelle qui fétichise la violence et ses méthodes, mais de simplement progresser, d’aller de l’avant et d’explorer de nouvelles avenues, évoluant d’une bande de copains à une organisation, du sporadique au consistant, du spontané au stratégique.

Au cours de ce trajet nous avons pris une position critique face au passé, mais nous n’avons jamais quitté le sentier de l’hostilité. Nous sommes les mésadaptés-es de l’anarchie, né-es de ses moments de possibles comme de ses vides béants. Additionellement, le but de la critique et l’auto-critique n’est pas de mettre un terme à quelque chose, mais l’inverse: c’est une aspiration à faire évoluer quelque chose. Le fait que nous n’allons pas maintenant élaborer une revue critique sur nos agissements ne veut pas dire que nous avons peur de reconnaître nos erreurs. Plutôt, c’est parce que cette forme d’examen est mieux livrée avec la distanciation et en calmant nos nerfs que par des impulsions,

Durant aucune phase de notre brève et intense histoire avons nous perdu la mémoire collective du milieu anarchiste d’où nous provenons. Nous sentons aussi avoir découvert un dénominateur commun avec les camarades qui ont commencé cette lutte avant nous, s’étant engagés dans leurs propres luttes, furent arrêtés et emprisonés, mais n’ont jamais baissé leurs têtes.

Nous avons découvert une passion irrepentante pour la révolution qui relie des histoires et réalités de luttes de différentes décennies, dans un commun contexte de libération indiviuelle et collective.

Parmis ce contexte nous avons forgé notre propre alphabet. Parlant dans le langage de l’action directe, nous avons ouvertement souligné l’enjeu de créer une infrastructure d’organisation. En tant qu’anarchistes, nous sommes portés-es à se distancer du concept d’organisation car il signifie pour nous hiérarchie, rôles figés, spécialisation et obligations (le “je dois”). Mais encore, les mots acquièrent la signification des gens qui les utilisent. En tant que Conspiration des Cellules de Feu, nous avons frappé au coeur de signification même de l’organisation anarchiste révolutionnaire.

2- Le parcours de l’étincelle à la flamme

Dès la première heure, nous avons rejeté l’idée d’un modèle centraliste et avons choisi de grandir à partir des initiatives individuelles cherchant à se collectiviser. Ce qui a émergé durant les réunions organisationnelles furent des enjeux de cohérence, de consistence, de responsabilité individuelle et collective, et de l’action directe comme un moyen de transformer nos idées en faits de l’action.

Aux réunions de groupe, chaque camarade a eu l’opportunité de proposer un plan d’attaque, ouvrant ainsi un débat sur la planification, la ponctualité, l’analyse politique et les problèmes opérationnels posés par le lieu de la cible choisie.

Rien ne garantissait qu’au cours de ces discussions nous allions en venir à une entente. Des arguments opposés se sont parfois développés en une puissante dialectique, particulièrement concernant la priorité que nous donnions à la temporalité, et le plus souvent il y avait plus d’une proposition; or nous avions à choisir celles qui étaient prioritaires pour laisser les autres en suspens. C’est un processus qui nous a permis de nous ouvrir l’esprit, élargissant nos horizons, apprenant des expériences des autres; défendant vigoureusement nos opinions, reconnaître nos erreurs; comprendre l’idée de construire quelque chose collectivement; devenir conscients de la nécessité d’une stratégie; et -le plus important de tous- de créer des relations interpersonnelles vivantes, pas au nom d’un quelconque “professionalisme” révolutionnaire axé sur un but figé, mais fondé sur l’amitié, la vraie camaraderie et la solidarité authentique.

Nous aimons ce que nous faisons, car c’est là qu’est notre essence. Ainsi, la “Conspiration” n’est pas seulement nous tous ensemble, c’est aussi chacun-e de nous à part. Même dans les cas où il n’y avait pas de consensus sur une action particulière, aucun ne s’est réduit à “quêter” à la majorité démocratique prédominante. Au lieu de cela, la minorité de camarades qui ont insisté à mener leur attaque prirent l’initiative d’aller de l’avant avec leur choix. C’est arrivé en parallèle avec le reste du collectif, qui les a supporté à des certains moments quand ce fut nécessaire, contribuant ainsi à notre organisation plus gobale.

C’est pourquoi un nombre de communiqués furent signés par des groupes (comme “Faction Nihiliste”, “Commando du souffle de la terreur”, “Unité de guerilla terroriste”) qui se sont formés à travers des initiatives séparées. Durant cette seconde phase, après avoir atteint un commun accord, en tant que collectif en entier ou comme initiative séparée, nous avons orchestré l’attaque.

Et à cette fin, chacun de nous a contribué de ses connaissances; les informations étaient extraite de journaux, zines et de l’Internet; le lieu de notre action fut repéré et cartographié; la voie d’entrée et de sortie dessinée, dans le but de nous faire éviter les caméras et vigiles policières, en incluant des voies alternatives en cas d’imprévus, et bien-sûr en se préparant à l’éventualité de confrontation avec des flics. Il y avait aussi les solutions de secours; groupes de support, cachettes, façons de demander de l’aide à des inconnus, etc. (dans un manuel futur, nous allons analyser et expliquer nos expériences, selon notre perception du contexte réel d’une attaque).

Durant la troisième phase -où la proposition initiale de cible d’attaque ne fut pas perdue de vue- nous travaillions sur le texte du communiqué. Quand un thème fut suggéré (comme par exemple d’attaquer la police), le-la camarade qui l’a proposé argumentait aussi sur son contenu. Ainsi une discussion commençait, au cours de laquelle chaque personne épluchait le concept, exprimant son désaccord, soulevant les problèmes, et offrant d’autres façons d’approcher le sujet.

Aussitôt le débat fini, peu importe combien de réunions il fallait pour en venir à bout, le collectif rassembla les thèmes centraux soulevés au cours de toutes les discussions furent repris et devinrent les axes principaux autour duquel le communiqué serait écrit. La rédaction du communiqué sur un sujet particulier fut habituellement partagé parmi ceux-celles qui s’en tenaient responsables, et après que ce fut écrit, nous nous rassemblâmes pour le lire et faire les corrections, ajouts, et autres touches finales. Si le communiqué était lié à une initiative séparée, les camarades impliqués étaient responsables de le rédiger.

Même processus pour nos camarades de Thessaloniki, et quand nous collaborâmes en tant que la Conspiration des cellules de feu Athènes-Thessaloniki, les camarades des deux villes coordonnèrent leurs actions à partir de principes d’aide mutuelle et de camaraderie…

(prochain épisode à venir: “Tout le monde fait tout”)

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